Le climat se tend de plus en plus en République démocratique du Congo à quelques jours des élections. Le scrutin suscite de plus en plus de doutes et de critiques.
Le sablier se vide à toute allure mais on ne sait pas où va le sable : à une semaine de la date des élections, le pouvoir congolais encaisse de plein fouet le choc du réel. Toujours confiant dans ses chances de pouvoir conquérir un deuxième mandat, le président Tshisekedi mène campagne et assure que les élections auront bien lieu à la date prévue, le 20 décembre prochain.
Cependant la question des cartes d’électeurs illisibles n’est pas résolue et surtout, faute de moyens de transport, le matériel électoral n’a pas encore été acheminé partout dans le pays, l’Angola ayant refusé de prêter ses avions au voisin congolais. C’est pourquoi la Monusco est soudainement rentrée en grâce : alors que, voici quelques semaines, Kinshasa pressait la force onusienne d’accélérer son départ et ne lui épargnait aucune critique, le gouvernement congolais a aujourd’hui changé de position.
Tshisekedi à la recherche de légitimité
Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité, il exprime le souhait de voir la Monusco contribuer au déploiement du matériel électoral en Ituri, au Nord et au Sud Kivu mais aussi dans d’autres provinces d’où elle s’était depuis longtemps retirée. En effet, priver de vote certaines régions, par manque de matériel, reviendrait à hypothéquer davantage un scrutin qui suscite déjà bien des doutes et des critiques, chacun sachant que le président Tshisekedi tient absolument à légitimer électoralement un deuxième mandat et à faire oublier le « compromis politique » conclu avec Joseph Kabila. Rappelons que cet accord avait permis l’accession au pouvoir du « troisième homme » à l’issue d’élections qu’il n’avait pas gagné.
Cependant, même si la Commission électorale, présidée par Denis Kadima, Kasaïen lui aussi, est pressée de respecter les délais, elle risque de devoir s’incliner devant la réalité. Le dilemme est douloureux : ou bien les élections ont lieu à la date prévue et elles seront imparfaites et donc contestées, ou bien elles sont reportées, ce qui comporte un risque d’instabilité, d’autant plus grand que le voisin rwandais est exaspéré par les propos de plus en plus belliqueux du chef de l’Etat qui l’a traité de « Hitler » !
Des reproches à la pelle
La campagne électorale se tend chaque jour davantage : lors de ses tournées sur le terrain le président se voit reprocher ses promesses non tenues, ses voyages trop nombreux, l’échec patent que représente la guerre à l’Est et la perte de contrôle d’une partie du territoire. En face de lui, Moïse Katumbi apparaît comme le véritable challenger : il rappelle son bilan lorsqu’il fut gouverneur du Katanga durant neuf ans, il draine des foules considérables et subit le traitement réservé aux adversaires de poids.
Au cours d’un meeting à Moanda des coups de feu furent tirés dans sa direction en présence de la police. Les images des blessés firent le tour du pays et « Moïse » fut présenté comme une victime. Quant au Docteur Mukwege, ses panneaux furent lacérés ou détruits à Bukavu et on osa même qualifier de « candidat des Blancs » le médecin-chef de Panzi qui a passé sa vie au chevet des femmes congolaises.
De l’avis général, la dernière ligne droite s’annonce périlleuse : un report des élections peut avoir des conséquences imprévisibles mais des élections chaotiques et contestées seraient pires encore. Si elle se réunit bien ce vendredi, la Cour constitutionnelle devra choisir entre Charybde et Scylla, des élections imparfaites ou un report dangereux.
Colette Braeckamn
In Le Soir du 13 décembre 2023
+ There are no comments
Add yours