La loi n°18/021 du 26 juillet 2018 relative au statut des anciens présidents de la République démocratique du Congo (RDC) visait à établir un cadre juridique pour ces anciens chefs d’État, notamment en prévision de l’alternance politique. En tant que Congolais attaché à l’État de droit, je considère que l’article 8 de cette loi est inconstitutionnel, tant par son contenu que par le contexte partisan dans lequel il a été adopté par un Parlement largement acquis à la cause de Joseph Kabila.
Un contexte partisan révélateur de manipulations
Adoptée à quelques mois de la fin du second mandat de Joseph Kabila en décembre 2018, cette loi a émergé dans un climat politique dominé par l’influence de l’ancien président sur les institutions. Le Parlement, à majorité favorable à Kabila, a promulgué ce texte à un moment suspect, alors que l’alternance démocratique était imminente et incertaine. De nombreuses voix critiques, dont la mienne, ont dénoncé une manœuvre visant à offrir à Joseph Kabila une protection juridique sur mesure après son départ, au mépris des principes constitutionnels. Ce contexte partisan compromet la légitimité de la loi et renforce les soupçons d’une instrumentalisation du pouvoir législatif à des fins personnelles.
Une violation flagrante de la Constitution
L’article 8 de cette loi controversée stipule que les poursuites contre un ancien président pour des actes commis hors de l’exercice de ses fonctions nécessitent un vote à la majorité des deux tiers des deux chambres du Parlement réunies en Congrès. Cette règle contredit directement la Constitution de 2006, modifiée en 2011 :
* L’article 119/C énumère de manière exhaustive les cas où le Congrès peut être réuni : révision constitutionnelle, état d’urgence, déclaration de guerre, discours sur l’état de la Nation ou désignation des membres de la Cour constitutionnelle. Autoriser des poursuites contre un ancien président n’y figure pas. En droit, une liste aussi précise est limitative, et l’ajout d’un nouveau cas par une loi ordinaire constitue une violation manifeste de ces articles constitutionnels. Le PPRD (Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie), actuellement suspendu, ne pourra donc pas facilement invoquer la Constitution pour contester la procédure de mise en accusation de l’ancien président.
-L’article 166/C limite la procédure spéciale de réunion du Congrès aux poursuites contre le Président ou le Premier ministre « en exercice ». Rien n’indique que cette protection s’étende aux anciens présidents, qui, hors mandat, devraient relever des juridictions ordinaires pour des actes non liés à leurs fonctions.
-Enfin, toute modification des cas de réunion du Congrès exige une révision constitutionnelle, conformément aux articles 218 à 220, et non une simple loi ordinaire comme la n°18/021. En contournant cette exigence, l’article 8 a outrepassé les limites du pouvoir législatif.
Une menace pour l’État de droit et l’égalité devant la loi
Cette disposition, si elle était contestée devant la Cour constitutionnelle, pourrait être annulée en vertu de l’article 160, qui consacre le contrôle de constitutionnalité des lois. Plus grave encore, son adoption dans un cadre partisan fragilise la suprématie de la Constitution et érode la confiance dans les institutions démocratiques. En cherchant à placer les anciens présidents au-dessus des lois ordinaires, elle consacre une forme d’impunité incompatible avec les principes d’égalité et de justice.
Appel pressant à la conformité constitutionnelle
En tant que défenseur de la légalité et de la démocratie, je dénonce le caractère inconstitutionnel de l’article 8 de la loi n°18/021 sur le Statut des Anciens Présidents. Son adoption par un Parlement inféodé à Joseph Kabila ne fait que renforcer cette illégitimité.
J’exhorte à une révision de ce texte pour le rendre conforme à la Constitution et à un respect rigoureux des mécanismes démocratiques. La RDC ne pourra consolider sa stabilité que par une adhésion sans faille à l’État de droit, où nul, pas même un ancien président, ne peut se soustraire à la loi.
Eugène Diomi Ndongala, Président national du Parti Démocratie Chrétienne, DC
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