Avant toute chose, je tiens à saluer nos collègues députés de l’Assemblée nationale pour la qualité des débats lors de l’examen du projet de Loi sur la reddition des comptes 2023.

Maintenant, en ce qui nous concerne, Nous Sénateurs, nous avons lu et analysé les constats, observations et conclusions de la Cour des comptes sur l’exécution du budget du pouvoir central de l’exercice 2023.

A bien des égards, cette exécution est sévèrement mise en cause par la Cour des Comptes qui a relevé des irrégularités flagrantes ; des contre-performances dans la réalisation des minima des recettes prévues ; des exécutions de dépenses sans crédits ; des dépassements invraisemblables, des sous-consommations et des non-consommations de crédits, ou encore le non-respect de la chaîne de dépense.

De ce projet de loi (PJL) sur la reddition des comptes 2023, j’ai, à la lumière du rapport de la Cour des comptes, qui est d’un très bon niveau, retenu trois leçons.
La première leçon, c’est la mauvaise gestion des finances publiques.

Le constat est amer et sans appel. La Cour des comptes a révélé les innombrables abus, fautes de gestion, incohérences et autres maladresses. Ce qui montre clairement que l’exécution du budget du pouvoir central de 2023 s’est largement éloignée de la Loi de Finances.
Je citerais ici les observations n°8 et 9 page 34, et n°36 page 81 du rapport de la Cour des comptes qui interpellent le ministre des Finances sur le paiement des créances non certifiées et sur les paiements par procédure d’urgence en général et concernant la dette intérieure en particulier.

Je ne reviendrais pas sur les explications, ou plutôt les tentatives de justification, du ministre des Finances quant aux raisons de la sur-exécution du paiement de la dette intérieure en mode d’urgence, soit-disant pour relancer le marché intérieur et la consommation, ce à quoi personne ne croit. La réalité économique et sociale sur le terrain du Congolais moyen prouve le contraire. Les vraies raisons de ces paiements portent un nom : rétro-commissions.

Dans sa réponse, j’observe que le ministre des Finances actuel se désolidarise des pratiques de son prédecesseur et qu’il s’engage, lui, à respecter scrupuleusement les observations de la Cour des comptes.
Mais le plus important, c’est le fait que le ministre des Finances invite l’Autorité budgétaire, autrement dit le Parlement, donc le Sénat notamment, a exercé pleinement ses pouvoirs, autrement dit à dégager les responsabilités et à proposer des sanctions contre les auteurs de fautes de gestion. Voir à ce sujet les éléments de réponse du ministre aux observations de la Cour des comptes, page 5 et 11.

La seconde leçon à tirer, c’est que les priorités du Gouvernement ne sont pas les bonnes. Une minorité est privilégiée, l’écrasante majorité de la population est négligée.

Des exemples ? Le taux d’exécution, très généreux, des dépenses des Institutions et des ministères.

Même chose pour la dette intérieure, mise à l’index par les députés nationaux et qui deffraie la chronique en raison de la sur-exécution de sa composante non certifiée.

Ces sur-dépenses n’ont d’équivalent que la très faible exécution des budgets sociaux de base, ceux qui bénéficient le plus à la population. Il n’est qu’à voir les chiffres pour l’agriculture : 1,8 % ; le développement rural : 4,9 %. Les chiffres pour les services essentiels sont du même acabit, qu’il s’agisse de la fourniture d’eau, d’électricité, de l’éducation (17 %) ou de la santé dont le taux d’exécution est d’à peine 7,75 %.

Le PDL 145 Territoires, programme phare du gouvernement, est logé à la même enseigne : 6,96 % seulement.
Les dépenses de fonctionnement sont donc outrancièrement disproportionnées par rapport aux dépenses d’investissement.
*
La troisième leçon, c’est que tout l’argent va au national, ultra-privilégié, et qu’il ne reste rien, ou très peu, pour l’échelon local, le parent pauvre qui se contente des miettes.

Des exemples ? Rétrocessions aux Provinces : 30 % pour les frais de fonctionnement. Pour les investissements dans les provinces : 0 %. ETD et services déconcentrés : 0 %. Caisse de péréquation : 0 %. Comment, dans ces conditions, développer nos provinces et notre pays ?
*
Honorable Président,

Distingués Collègues,

A juste titre, l’Assemblée nationale a pointé du doigt les responsabilités, les responsables. Mais qu’a-t-elle proposé ? La mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. Mais pour dire quoi de plus qui n’a déjà été dit, par la Cour des comptes, l’Assemblée nationale elle-même ou les nombreuses organisations de la société civile ? Nul n’ignore ici le dicton : quand on veut enterrer un dossier, on crée une commission ! Non, soyons sérieux.
Le Parlement est l’Autorité budgétaire. Il est donc légalement, constitutionnellement, de notre obligation, certes de pointer les responsabilités, mais aussi et surtout d’en tirer les conséquences. Autrement dit, de proposer des sanctions pour les auteurs de ces fautes de gestion.

Ces sanctions peuvent être de nature différente en fonction de la situation des personnes concernées. Premièrement, une sanction politique, comme un vote de défiance, pour les ministres encore en fonction. Deuxièmement, une sanction judiciaire pour les ministres qu’ils soient ou non encore en fonction. Troisièmement, une sanction administrative pour ceux qui ne sont pas des responsables politiques mais se trouvent dans la chaine de la dépense et ont commis des fautes.
*
Honorable Président,

Distingués Collègues.

Beaucoup d’entre nous constatons que ces comptes 2023 ne sont ni sincères, ni conformes et qu’ils ne correspondent en rien à la réalité. J’ai d’ailleurs à ce sujet une question : au vu de son rapport, la Cour des Comptes a-t-elle fait, comme il se doit, une déclaration générale de conformité, comme l’exige l’article 147 alinéa 3 de la Loi organique sur la Cour des comptes.

Quoi qu’il en soit, en ce qui nous concerne, Nous Sénateurs, la moindre des choses serait que les responsabilités soient clairement établies et que des sanctions, appropriées et proportionnées, soient prises au moment du vote de la Loi.
Nous pourrions ainsi accepter de déclarer recevable ce PJL de reddition des comptes afin de ne pas bloquer le processus budgétaire en cours. Mais à la condition sine qua non que, dans le même temps, au même moment, nous proposions à l’Assemblée nationale des sanctions contre les responsables de ces fautes de gestion.

Il en va de notre devoir. Tant sur le plan légal que moral. Et cela témoignerait de notre sens de l’équilibre et de la responsabilité.

Au demeurant, de telles sanctions pourraient avoir un effet dissuasif. Et permettre la bonne gestion des Finances publiques dans notre pays afin que le Budget et son exécution répondent aux attentes de la population.

Nous devons éviter la complaisance dans l’examen de la Loi de Finances. Et nous devons, sans faillir, user de notre pouvoir comme autorité budgétaire. Ce qui veut dire : surveiller la bonne exécution du Budget ; sanctionner les fautes de gestion ; effectuer une veille budgétaire tout au long de l’année sans attendre les dernières semaines pour constater les écarts.

Honorable Président, mes chers Collègues, « un pouvoir ne s’use que si on ne l’utilise pas ». Tâchons de nous en rappeler.

Je vous remercie.

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