Une tempête politique secoue le parti présidentiel. L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) traverse une crise intestine liée principalement à des frustrations dans le partage des postes de responsabilité au sommet de la République. Ces frustrations qui couvaient déjà au sein de l’Union sacrée de la Nation au lendemain de la publication des résultats des législatives puis du gouvernement Suminwa risquent de créer un schisme entre alliés. Comme l’histoire de la majorité de Joseph Kabila en 2014-2015 avec le G7 composé notamment de l’UNAFEC de feu Gabriel Kyungu, l’UNADEF de feu Charles Mwando Nsimba et du PPRD Moise Katumbi comme personnalité phare à l’époque.
A l’heure où Félix Tshisekedi amorce péniblement son second mandat avec l’aggravation de la crise sécuritaire dans l’Est de la République démocratique du Congo, les faucons du régime scrutent – non sans méditation – la crise fratricide au sein de l’UDPS. Depuis peu, le torchon brûle au sein du parti au pouvoir. Le secrétaire général de ce parti, Augustin Kabuya, élevé à la tête de cette formation politique après le départ de Jean-Marc Kabund, n’est plus en odeur de sainteté avec ses collaborateurs. Il est poussé à la porte de sortie par certains cadres et militants, qui critiquent ouvertement sa gestion.
Dans une déclaration politique, le 11 juillet denier, une trentaine de secrétaires nationaux de l’UDPS ont apposé leurs signatures pour retirer leur confiance à Augustin Kabuya, député national élu du Mont-Amba, à Kinshasa, dont ils ne reconnaissent plus la qualité de secrétaire général du parti. Ils l’accusent notamment de manque de vision, de l’utilisation abusive des prérogatives dévolues à la présidence du parti, la gestion solitaire et personnalisée du parti, le clientélisme politique dans la gestion des enjeux, comprenez ici le partage du gâteau.
Au nombre de ses frondeurs, l’ex-ministre de la Santé, Eteni Longondo. Il s’érige comme la tête d’affiche de ce mouvement anti-Kabuya. Cet ancien médecin d’Etienne Tshisekedi, soutenu par Gecko Beya, membre influent de l’UDPS, et par Emany Dioko, président de la ligue des jeunes du parti présidentiel avait, devant la presse lundi dernier, demandé la suspension de toutes les activités au sein du parti, avant d’annoncer l’organisation imminente du congrès devant statuer sur les problèmes liés à la megestion du parti.
Comme il fallait s’y attendre, l’incriminé Augustin Kabuya, reconnu pour ses réactions à chaud, n’y est pas allé de main morte contre ses pourfendeurs. Deux jours après, soit mercredi dernier, devant les jeunes de sa formation politique, « Mwana Bute » avait demandé pardon au président de la République pour le désordre qui règne désormais au sein de l’UDPS. Sans les citer nommément, Kabuya voit derrière ses opposants des ennemis de la famille de Félix Tshisekedi, qui veulent, selon lui, faciliter l’infiltration au sein du parti.
« Des ennemis veulent créer du désordre dans la famille politique du chef de l’État pour faciliter l’infiltration. Ils ont pris l’argent d’autrui, ils doivent remettre. Est ce qu’on convoque le congrès pour remplacer un secrétaire général? », s’est-il demandé en rejetant en bloc toutes les accusations qui pèsent sur lui.
Des frustrations généralisées
Dès janvier 2024 au lendemain des législatives, le parti de Jean Pierre Bemba percevait déjà une forme d’injustice. Sans accusé directement son allié Tshisekedi, le MLC s’en était pris à la CENI pour décrier le faible nombre des sièges glanés par ce parti. Brûlant des pneus et dénonçant ce qu’ils avaient qualifié de « favoritisme » au profit des candidats de certains autres partis politiques, et d’une « manipulation » qui serait orchestrée par la Centrale électorale, des militants du MLC déploraient le nombre des sièges obtenus par leur parti qui ne reflétaient pas, selon eux, le poids politique du parti. « Comment expliquer qu’un grand parti comme le MLC de Jean-Pierre Bemba ne puisse avoir que 3 députés à Kinshasa. Cicéron Bofaya avec 21.000 voix mais pas élus, ça se fait où ? », avait déploré un des manifestants.
Du côté d’un autre allié, Modeste Bahati, c’est d’ailleurs un calme suspect après avoir été privé d’être chef de corps dans les institutions les plus en vue, notamment l’Assemblée nationale, devancé par Vital Kamerhe à l’issue des primaires internes dans l’Union sacrée. Depuis, le chef de l’AFDC-A observe médusé le cours de partage des postes sans plus rien réclamer, une attitude qui dénote d’une frustration. L’homme pourrait sauter sur la première occasion de créer un grand schisme pour s’opposer à Félix Tshisekedi. A côté de Bemba et Bahati, il y a d’autres faucons du régime Kabila passés maitre dans le retournement des positions politiques. Parmi eux, il y a Julien Paluku qui observe avec attention l’évolution de la question du M23 dans son Nord-Kivu natal. Ce dernier a d’ailleurs démontré par le passé sa capacité à collaborer avec les rebelles notamment ceux du CNDP de l’époque, dans un cadre des accords bien sûr.
Si Tshisekedi laisse pourrir la situation au sein de son parti politique, cela pourrait créer un effet d’entrainement avec les frustrations de la majorité au pouvoir et renforcer l’ingouvernabilité. Surtout qu’avec une majorité actuellement compacte, le chef de l’Etat peine à trouver une formule militaire pour défaire le Rwanda et sa rébellion du M23 encore à maitriser l’envolée du taux des changes qui ronge chaque jour davantage le pouvoir d’achat des pauvres citoyens congolais.
CN
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